Campagne

mercredi 19 décembre 2012

Intersession 2

 Grick le trappeur des marais
 
Confessions d’un trappeur
Après un trajet pénible le long du Ruban essuyant les attaques vexatoires de créatures amphibiennes, le groupe accompagné de leur nouvel ami Kim-Kim, de Grick le trappeur devenu compagnon d’arme du Père Luk et de deux villageois dirigeant des carrioles remplies de melons et de porcs séchés, arrivent enfin sur la route qui mènent au château de Moorshroud. Le groupe décida de passer la nuit sur une aire aménagée pour les caravanes le long de la piste. Les conducteurs de charrettes semblaient peu à l’aise loin de Bout-de-glisse et préféraient passer la nuit dans leurs carrioles malgré le froid qui semblait bien plus pénétrant que dans les marais. Grick quant à lui semblait s’adapter à sa nouvelle vie, au final moins dure que celle d’un trappeur vivant dans les marécages et risquant sa vie pour quelques pièces de cuivre. Il valait mieux mourir mais pour de l’or, ou au moins de l’argent. Après une généreuse rasade de jus de melon fermenté, pris dans une ambiance amicale, Grick se mit à parler de sa vie à Bout-de-glisse.

« Bout-de-glisse n’a pas toujours été un village au bout du monde. Plusieurs siècles auparavant Il y avait un gros bourg protégé par une forteresse et un monastère. Nos ancêtres adoraient la Dame des Moissons. Nos porcs et nos melons nous rendaient prospères et nous étions protégés par une milice bien équipée et bien formée par les autorités de la région. Il était aisé de venir au bourg au travers de routes commerciales bien connues. Et puis petit à petit, le Grand Marais a dévoré la région. De nouveaux dangers apparurent comme les trolls des marécages. Nos ancêtres furent de plus en plus isolés, abandonnés par les autorités. Notre économie s’écroula et notre milice fut décimée par de nouveaux ennemis, les Grimmels de petites créatures amphibiennes. Houtnard le trappeur, un de mes ancêtres il y a plusieurs générations de cela, réussit à communiquer avec un chaman Grimmel et il passa un pacte : les humains leur donnerait des porcs à manger les attaques cesseraient. Les choses évoluèrent peu à peu et mon ancêtre passait de plus en plus de temps avec le chaman. Il finit par convaincre le conseil municipal que les Grimmels seraient une meilleure protection que n’importe quelle milice municipale ; les créatures étant comme chez elles dans les marais. En contrepartie, le chaman demanda aux villageois qu’ils montrent leur respect à Salissak le sombre dieu serpent. Au départ les nouveaux rites étaient sans conséquence mais lorsque le bourg fut totalement dépendant d’eux, les Grimmels exigèrent que chaque année un villageois soit sacrifié pour symboliser le lien entre Bout-de-glisse et les Grimmels. La villageois acceptèrent considérant qu’ils n’avaient pas le choix. Depuis quinze ans un villageois est sacrifié à chaque hiver : il est jeté dans la mare et finit dévoré par les jeunes Grimmels. »
Après ce long récit, le trappeur resta pensif. La larme à l’œil, il expliqua que la situation avait rendu les villageois à moitié fou, vivant dans un monde de fantaisie imaginant même que le sacrifié étant heureux de ce fabuleux destin, rejoindrait le monde souterrain et marécageux de Salissak. Les enfants en revanche n’avaient pas ses illusions, ils étaient devenus comme connectés au marais d’une manière de plus en plus profonde. Le groupe comprit que Grick portait le poids du péché de son ancêtre trappeur et restait plus lucide que les autres ; c’est aussi pour cela qu’il passait son temps loin du village bravant les dangers du marais. Le trappeur finit par dire qu’il pensait que les enfants étaient de plus en plus étranges et qu’en grandissant ils ne deviendraient pas des gens fantasques mais des gens dangereux pour le village. 

« Je n’ai plus ma place parmi les miens. Vous avez sauvé les nôtres et je vous en serai toujours reconnaissant. » 

Alrik, pour un moment oublia le trésor paternel, le cœur emplit de peine pour ces étranges humains. Le Père Luk regardait intensément Grick. Gael prit le premier tour de garde, songeur. Même Scaban évita de faire une plaisanterie hasardeuse. Au matin, le groupe et les deux carrioles reprirent la route dans la crachin matinal.

 
Kim-Kim et l'ours Growly

Aller et retour ?
Le retour à Moorshroud s'effectua sous une brune humide et permanente qui aplatissait tout relief à cet environnement marécageux, lui donnant un aspect lugubre en harmonie avec l'image convenue que méritait son maître, Salissak l'écailleux. Au bout d'une longue traversée dans cet épais et grisâtre brouillard, les aventuriers parvinrent enfin à discerner une ombre lointaine d'un grand bâtiment caractéristique des lieux de part son reflet lugubre : le château de Moorshroud. Père Luk n'avait dit mot durant ce voyage, il restait à l'écart, l'air absent, comme s'il cherchait à se fondre dans ce paysage lugubre. Oui, père Luk était lugubre. Quelque chose le tourmentait, l'assaillait. Lugubre. 

Alors que Grick distribuait ses instructions pour la pause déjeuner, les trois aventuriers s'isolèrent en vue de préparer leur venu à Moorshroud.  Lassés de l'absence du prêtre, ils n'avaient conviés ce dernier. Quelle fut leur surprise, lorsque père Luk les rejoignit vêtu de son manteau d'hiver sale et usé par l'humidité pénétrante des marais. Son visage mélancolique et la tristesse de ses habits, lui donnaient une apparence plus proche d'un mendiant que d'un prêtre d'Iosas. Face à ses compagnons, il mît un genou à terre. Ses compagnons ne dirent mot, tant l'habitude du porter les déroutait. Après un court instant de silence, le malheureux s'exprima d'une triste voix difficilement audible. 

« Je vous ai trahi, aussi, c'est à genou que je me confesse. J'ai péché d'orgueil. Au moment où vous affrontiez le plus grand danger, j'ai agi par pur égoïsme, me prenant pour un grand meneur d'âme. J'imaginais sans retenu que je pouvais, seul, entraîner des êtres mus par des croyances primitives, par la soif de la vengeance, sur la route d'Iosas. Que fut le résultat. Je condamnais, sous la vindicte populaire, des pauvres gardes, manipulés par deux êtres malsains. Je les privais de leur seconde chance à laquelle chacun peut prétendre. Pire, pour perpétrer ce massacre inutile, je vous abandonnais face à un terrible danger. Si l'un de mes disciples, c'est ainsi que je me les nommais, ne m'avait averti du danger, je serai resté à traiter mes petites affaires qui de surcroît, comme la suite le démontra, n'avaient aucune chance d'aboutir. Acceptez mon pardon. »
Gaël voulut intervenir, mais le prêtre leva un bras, la main ouverte pour demander le silence. Il se redressa, avant de poursuivre.

« Mon rang au sein de mon ordre m'interdit de m'adresser aux autorités sans en avoir l'autorisation. Aussi, je vous quitterai à notre arrivée au château, pour rejoindre Père Gyan,  mon supérieur. Je lui ferai un compte rendu détaillé de notre mission. Je me permets de vous inciter à attendre qu'il vous contacte. Comme vous l'avez pu le constater à notre arrivée, il vous sera d'une grand aide et de bon conseil pour obtenir une entrevue auprès de la comtesse. » 

Après une courte pause, il se tourna vers la paladin.
« Sir Gaël, naturellement, je soumettrai notre avis quant à la situation de Bout de Glisse.  Je reste confiant dans l'approbation de Père Gyan, qui ne manquera pas de vous consulter. »

Puis son regard se posa sur celui du nain.
« Alrik, les biens de votre père que vous détenez sur vous, transpirent de magie, aussi prenez garde. La magie se joue des innocents. Je ne crois guère à la version du hasard concernant le meurtre de votre père et du vol associé. Si je puis vous conseiller, retournez auprès des vôtres et cherchez dans vos origines. Je ne serai guère étonné que la clé se situe au sein de vos clans. Vos savoirs sont vastes, votre peuple au nord près des miens. Pour cela, il est vrai que je vous accompagnerai volontiers. Mais je ne puis le faire sans l'accord de mon ordre, et encore moins sans le votre; et je comprendrais qu'au regard des derniers événements, vous préfériez une autre compagnie.» 

C'est avec un léger sourire qu'il s'adressa au jeune voleur.
« Scaban, sort de ta réserve. Tu es un grand guerrier, un homme rusé et doté d'une intelligence tactique qui a montré son efficacité. Je vois en toi un bel avenir. Mais, n'oublie pas  L'essentiel : l'avenir sourit à ceux qui le charment, qui le tentent, qui le défient. »

Tout en s'éloignant des trois aventuriers, il continuera son monologue.
« Pour le butin à partager, oubliez-moi. Je me contenterais du masque pour étude et des fioles qui contiennent une dangereuse substance. Le reste, je vous le laisse sans aucune restriction. Éventuellement, donnez tout ou partie de ma part à Grick. Maintenant, il est grand temps que je me retire prier.  » 

Le prêtre repris le chemin de la solitude, la seule compagnie qu'il acceptait auprès de lui.

Vers le château
Quelques instants plus tard, Grick fit lever le camp en direction du château de Moorshroud. Il avait remarqué que les aventuriers s'étaient isolés pour tenir conversation. Il fut intrigué par l'étrange comportement du prêtre, son nouvel employeur. Curieux de nature ou simplement intéressé par son avenir, il avait tendu une oreille distraite qui lui permit d'entendre quelques bribes de ce soudain conciliabule, sans pour autant en saisir l'intégralité. Aussi après environ 30 minutes de marche, il s'approcha nonchalamment du prêtre et discuta avec lui.

Le groupe finit par rattraper le duo. Grick fit une grimace au paladin et avec un air timide il lui demanda la part du butin qui apparemment lui revenait. Le Paladin lui-remit une dizaine de pièces d'or au trappeur qui semblait dans un état second.

Le reste du voyage fut maussade à l'image du temps humide et brumeux. Le groupe finit par arriver au pied du château de Moorshroud. Les gardes ne firent aucune difficulté pour laisser passer le groupe. Arrivée aux portes, le prêtre, escorté de Grick, fit ses adieux à ses compagnons, pour rendre visite au plus vite, auprès du prêtre ambassadeur Gyan.

Texte de Marcapuce

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