Je ne suis pas un très bon meneur de jeu, même si je pratique cet art depuis plus de 20 ans. Pourquoi ? Parce que mes joueurs me reprochent régulièrement d'être trop gentil. Lors de la plupart des parties, ils me remontent ne pas se sentir réellement en danger de mort. De la tension oui, mais un réel et profond sentiment de danger, non. Je ne tue pas mes PJ, je ne sais pas le faire, car j'ai un énorme défaut : je veux leur faire plaisir avant toute autre chose. J'ai aussi un autre défaut contre lequel je lutte : si je m'écoute, je me laisse aller à jouer des PNJ puissants, manipulateurs et tellement surs d'eux que les joueurs se sentent spectateurs de leur propre histoire. Oui je ne suis pas un très bon meneur de jeu, mais cela s'était avant d'avoir lu John Wick et de pratiquer son Tao.
John Wick est un auteur de jeu de rôle (Legend of the Five Rings, Les Secrets de la 7eme Mer, Orkworld) connu surtout pour ses chroniques dans le magazine Pyramid. Connu mais surtout aimé, détesté, considéré comme un gourou ou comme un imposteur. Bref Mr Wick a atteint son but, il a ses 15mn à l'échelle de l'univers de célébrité (oui je sais 15mn à l'échelle de l'univers, c'est beaucoup, incommensurable, inimaginable). John Wick prône qu'un bon meneur de jeu est un MJ tordu, vicieux, travaillant contre les joueurs si cela les tirent vers le haut. A l'université sa réputation était d'être un killer au point où les joueurs ayant survécu en tiraient une certaine gloire.
Le livret Dirty MJ publié par la Bibliothèque Interdite reprend les articles de John qui propose son approche pour faire de vous un MJ craint (voir détesté) grâce à un ensemble de tactiques et de conseils pour piéger les joueurs. En fait c'est surtout les optimisateurs qui sont visés par Wick. Les articles sont bien écrits et assez passionnants (surtout les premiers) même si à force on sent qu'il délaye un peu. Wick aime parler de lui, se mettre en avant et se valoriser mais il est assez lucide pour que cela ne nuise pas de manière trop prégnantes à ses articles.
Mes joueurs sont trop souvent comme les personnages de Star Trek Classic, ils souffrent parfois mais s'en sortent toujours. Ils ne sont pas des Red Shirts (les gars en tenue rouge qui meurent à la place des personnages principaux).
Dirty MJ aborde aussi des techniques déjà connues pour gérer certains aspects du jeu de rôle qui sont parfois ressentis comme des dérives comme le fait d'agir selon le nombre de points de vie qui restent aux joueurs. Wick présente une solution où c'est le meneur de jeu qui gère les PV de ses joueurs. J'ai déjà mis en pratique cette solution (pour Runequest) mais ce fut laborieux. Et puis je m'amuse tellement à entendre un joueur me dire benoitement alors qu'il vient de se prendre 22 points de dégâts : "22 points, hum après les 16 du tour précédent, il m'en reste que 7", dans l'espoir vain de m'influencer. Du coup c'est en contradiction avec le sentiment qu'on mes joueurs que je ne veux jamais les tuer.
Alors suis-je un si mauvais meneur de jeu que cela selon l'approche de John Wick. Peu importe. Les conseils du petit maitre Wick m'ont ouvert les yeux et je vais revoir toute ma stratégie. Sans aller jusqu'à la tuerie organisée d'un FranckM (ancien copain de jeu très killer DM) je vais m'efforcer d'être craint à défaut d'être détesté.
Suis-je un si mauvais meneur que cela ? On verra si et comment je vais suivre le Tao du Nihilisme Zen.
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