La nuit tombait. Le ciel sombre sans lune, le silence qui régnait à la sortie de la verrerie, répandaient une atmosphère mélancolique en parfaite harmonie avec l’esprit du Paladin. Ce dernier, dont la belle tenue ne présentait plus qu’une étoffe de tissus chiffonnée, déchirée, partiellement brulée, souillée de sang séché, perdait de sa prestance. Sévèrement blessé, il se déplaçait d’un pas lourd, sa tête courbée, son regard fixé sur le sol, sa pensée errante dans un labyrinthe de désolation de celui qui ressentait l’échec. Il entendit à peine la plainte que lui adressait Scalarel au sujet de partage d’objets non équitable. Néanmoins, cette apostrophe le fit sortir de sa léthargie. Il se redressa, se donnant une attitude digne que sa misérable tenue contredisait. Il se tourna vers l’elfe, lui présenta d’un geste rapide et précis l’épée qui avait appartenu à l’auteur de ses profondes blessures, un gobelin mutant et démoniaque.
« Prenez cette arme magique, et identifiez là pour demain », ordonna t’il à l’elfe. Puis, il braqua un regard sévère sur le demi-orque.
« Abrak, tu as menti en prétendant que tu ne possèdes aucune des armes du gobelin. Ce comportement est inacceptable, car contraire à la solidarité du groupe. D’autant que je t’avais expressément demandé de me remettre tout objet trouvé sur le corps de ce monstre. Ce que tu n’as pas fait. Aussi, je t’ordonne de livrer les dites armes à Scalarel afin qu’il puisse les identifier. C’est un ordre et j’entends qu’il soit exécuté de suite, Un refus d’obtempérer, quelles qu’en soient les raisons, et je serais dans l’obligation d’en tirer les conséquences, aussi pénibles soient-elles. »
S’adressant à nouveau à Scalarel, « Monsieur, puisque vous affirmez être équitable dans le partage des biens, ce que je ne doute en aucune manière, dès lors que vous aurez reconnu les caractéristiques de chacune de ces armes, je vous serai reconnaissant d’en effectuer un juste partage au sein de notre équipée. »
Il laissa planer quelques secondes de silence, Le temps nécessaire pour que l’échange se fasse. Soudainement, ses profondes blessures se manifestèrent. Une brève et violente douleur s’empara de son corps meurtri. Restant digne, il lutta contre celle-ci, contra l’horrible cri de soulagement parvenu au bord de ses lèvres, mais ne put éviter de contracter les muscles de son visage et de clore ses yeux dans une discrète grimace instantanée qui lui priva de s’assurer de la bonne fin du transfert. Ne voulant rien laisser paraitre, il reprit une pose noble pour s’adresser à l’ensemble du groupe.
« Rendez-vous ici, devant l’entrée principale de la verrerie, demain 8 heures. Reposez vous, car notre tâche est loin d’être achevée. N’oubliez qu’une fois ce mystérieux lieu ancestral vidé du mal qui l’habite, nous aurons à nous rendre au sommet du Chardon pour sans doute combattre un démon en cours de mutation. »
Se tournant vers Abrak: « suis moi ! ».
Le paladin, reprit sa position mélancolique, tête penchée, dos légèrement courbé, comme si un lourd poids pesait sur ses épaules. Il prit la direction de la mairie.