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mercredi 30 septembre 2009

Intersession 5 - Partie 1 : Retour à Pointesable



J’arrivais enfin à Pointesable. Le hasard voulu que je précédasse de quelques minutes l’arrivée de cinq individus totalement disparates, un prêtre nain à la longue barde parfaitement entretenu, un demi-orque musculeux, sorte de sauvage à la démarche féline, un gnome protégé d’une armure de métal tenant sa longue épée à deux mains, la lame reposant sur son épaule gauche prêt à en découdre, un frêle halfelin batifolant à l’inverse d’un bel elfe éteint, attifé de beaux vêtements de tissus. Si ma venue parut inaperçue, la leur attira une foule hétéroclite qui se pressa autour d’eux. J’observais la scène quelques instants. Difficile à déterminer la nature de l’accueil ; un mélange de curiosité, de surprise, de méfiance mais aussi d’admiration. Un couloir humain s’était formé qui menait droit vers une femme d’une trentaine d’année, cheveux court, tenu respectable bien que peu féminine, regard froid de celle habitué au commandement. A ses cotés, un homme austère et sévère, viril, chauve, tenu emprunt au monde militaire, observait le groupe d’un regard désapprobateur. J’appris par la suite qu’il s’agissait du maire et du prévôt. Soudain, le plus petit des cinq, le halfelin , quitta le groupe pour se précipiter au maximum que ses petites jambes lui permettaient vers un groupe de ses semblables. Alors que les quatre autres se présentèrent aux deux administrateurs, le halfelin fut reçu à bras ouverts par les siens. Un air de famille me fit penser qu’il s’agissait de ses parents, peut être deux sœurs avec leur mari et enfants, et, à la nature des embrassades, sa femme ou tout du moins sa fiancée. Je m’étonnais de prêter mon attention sur cette scène de la vie quotidienne, certes, sympathique et joyeuse comme le veut les charmantes mœurs des halfelins, mais des plus banale. Je finis par en comprendre la raison. Le jeune halfelin me rappelait, un des mes étudiants, non dénué de talent mais dont l’handicap de la taille l’avait contenu dans des rôles secondaires. Je reconnus aussi sa fiancée qui fut elle aussi, à la même époque une de mes étudiantes. Non comme comédienne, elle avait préféré la voie de la mise en scène. Julius Gazard lui s’intéressait à tout ce qui lui valut l’honneur de faire partie des rares élus du projet de rédaction de « l’encyclopédie des savoirs anciens », elle suivait un cursus d’art de la magie. 
J’abandonnais nos halfelin pour écouter la conversation que tenaient les quatre autres personnages avec les autorités de la bourgade récente à l’architecture disproportionnée par rapport à ses réelles dimensions. Quatre héros. Le prêtre nain qui se présentait comme le meneur subissait sans cesse les interruptions du guerrier gnome et de son comparse barbare, qui répétaient inlassablement leur prouesse. A les entendre, ils avaient tout fait, à l’opposé du mage elfe au beau visage mystérieux, en retrait et muet comme une carpe. Le dialogue fut particulièrement mouvementé et confus lorsque qu’ils contèrent leur exploit face à une chauve souris sanguinaire géante et pour couronné le tout revenue d’outre tombe. Contradictions, moqueries, insultes, mépris ponctuaient ce récit qui finit par ennuyer beaucoup de badauds, et semblait impatienter le prévôt. Attiré par des rires et applaudissements, je me tournais à l’instar de certains vers les halfelins où se déroulait une improvisation théâtrale de Lupius. Il mimait le combat contre la chauve-souris, mais dans une version quelque peu différente. 

En premier lieu, il fit quelques mouvements de bras saccadés qui rappelait ceux d’une chauve-souris. Puis d’une voix frêle et aigue il s’adressa aux spectateurs d’un air menaçants.


«  Ainsi vous quatre, vous avez tué quelques unes de mes moucherons. Pour cette infamie, vous allez mourir ». Pour poursuivre.
« La bête avait l’air féroce. Ces yeux rouges scrutaient les quatre héros d’un regard à faire trembler quiconque qui se trouverait devant un être d’une taille gigantesque. Vous voyez ma main mesdames messiers. Et bien, il m’en faudrait deux comme celle si pour cacher ce monstre. » Je vis mon ancien élève se gratter une barbe imaginaire, tenir en main gauche ce qui devait être une torche, un marteau en main droite, sonner des ordres à ses compagnons qui resteront longtemps dans les légendes :
« Compagnons, que nos armes, nos sorts, notre courage ôtent toute vie à cette créature néfaste afin que nous puissions l’interroger en toute sérénité. Ainsi le veut mon dieu, représentant de la justice et protecteur du bien. Chaaaargez ! ».
«  Mais le pauvre prêtre ne fut guère compris. » poursuivit Lupius, qui se grandit, gonfla le torse, et prit par un jeu de grimace une apparence de la parfaite brute stupide errant d’une démarche gauche non dénoué de souplesse. Je reconnus le demi-orque qui s’adressa au monstre :
« D’abord c’est le nain qui a voulu qu’on tue les moucherons. Lui il dit toujours, alors moi je fais. Si fallait pas faire, alors fallait le dire. Et puisque c’est comme ça, ben moi, joue plus ». Et le faux demi-orque partit bouder, pour devenir ce qui semblait être un guerrier au regard totalement illuminé : le gnome, j’en fus certain, qui s’en prenait au barbu.
«  Il a raison mon copain. Parce que Monsieur se croit instruit, faut qu’il nous donne des instructions qui dérangent le vénérable habitant de cette grotte. De ta faute, j’ai massacré plusieurs moucherons innocents d’un seul coup d’épée. » Le halfelin se mit à gesticuler dans tous les sens, et de ces mouvements nous pouvions étrangement imaginer le gnome maniant son épée comme une tapette à mouches, s’engager dans un duel féroce contre de minuscules insectes volants. 


Pause. 


« Notez mesdames messieurs, les gnomes qui nous sont parfois étranges et éloignés, partagent un système d’évaluation identique au notre : deux suffit à employer plusieurs ; et de ce miraculeux coup d’épée dont j’eus l’honneur d’assister, je puis le certifier. »
Retour du gnome menaçant ce coup-ci le prêtre.
« Et puis arrête de brailler et éteint ta torche, tu vas finir par nous faire repérer »
Nouvelle démonstration de danse au rythme martelé qui exprime la lutte qui s’engage entre, le guerrier gnome et le prêtre nain, le premier s'efforçant de saisir le cou du second qui se débat comme un beau diable. Puis soudainement, le comédien se redresse, prend une allure altière qui nous rappelle l’elfe, scrute de ses yeux inquiets chaque recoin du lieu. Que cherche-t-il ? Nous ne tardons guère à le comprendre, lorsque le fier personnage apeuré se précipite avec grande élégance derrière un gamin qui symbolise de part sa petite taille le gnome ou le nain. Le grand se cache derrière le petit, en posant son index sur ses lèvres closes : silence. Puis, se voûte, mute son air apeuré en un visage cruel, écarte ses bras secoué de petits mouvements secs qui rappellent ceux de battements d'ailes saccadés. L'elfe est devenu chauve-souris, et celle-ci revenue au centre l'esplanade improvisée, prend une pose outrée et s'adresse aux spectateurs : « Hé, les héros, cela vous ferait rien de vous intéresser à ma personne ? ». Vexé, le terrible monstre quitte sa grotte. Lupius revient alors sur scène, pour annoncer l'épilogue de ce grand combat : « Mesdames, messieurs, vous venez d'assister au plus bel exploit de nos héros. Car, sachez le, la gigantesque chauve-souris que mes deux mains mises cote à cote pouvaient à peine cacher, ce terrible monstre dédaigné par nos héros, outré d'un tel affront, quitta à tout jamais notre belle Varisie. Questionnez n'importe qu'elle communauté de moucherons, et elle vous chantera ce jour de grande gloire devenu symbole de la délivrance. »
Cette scénette connut une conclusion inattendue née d’un rire sonore et franc que ne put retenir le prévôt. A voir les habitants devenus comme statufié, bouche bée, nous assistions manifestement à un miracle que la plus puissante des magies ne saurait produire.
Profitant de cette pause subite, un homme vêtu de vêtements excentriques aux multiples couleurs qui lui seyaient parfaitement, harangua la foule en ces termes.
« Mes chers amis, nous yeux restent éblouis par ce spectacle improvisé de Lupuis Gazard dont j’ai l’immense honneur d’être le tuteur artistique. Applaudissons bien fort l’étoile de cette journée, le véritable héros de Pointesable »
Tonnerre d’applaudissements.
« Mes chers amis, moi Cydrack Drökkus, régisseur du théâtre, je vous informe et vous offre en introduction au spectacle de demain soir, une nouvelle démonstration de l’immense talent de …. JUPIUS GAZARD ».
Déchaînement de satisfaction des âmes présentes.

Ce brillant orateur qui venait de piéger mon ancien étudiant n’était autre que la personne avec laquelle j’avais rendez-vous.


Extrait de « La vie comédienne » de Fulgard Janquain Maître de l’Académie des Arts de Magnimar.

(texte écrit par Marcapuce)

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